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suppliai : “Cyrille, ne m’éprouve pas, tu sais que je t’aime, ce n’est pas la peine de m’éprouver.” Il se signa : “Au nom du Christ pardon, je ne t’éprouve pas. Je me confesse. Aie pitié.”

« Je tombai sur le divan. À nouveau il me caressa, les paumes sur mes seins, murmurant : “La main de l’honnête homme contient le sein d’une jolie femme ; et pourtant je ne suis pas un honnête homme.” Il riait et pleurait à la fois, et jurait désespéré ; il m’aimait, savait qu’il devait m’aimer et prétendait ne s’être point douté qu’il m’aimait ainsi, mais qu’il était trop tard. Je croyais à quelque rêve. J’étais brisée. Tout finit par disparaître.

« En m’éveillant j’étais seule. Je me suis rappelé. »

J’aurais voulu faire une grande aumône, ramener le fugitif, mais que pouvais-je sinon donner mon amitié. Un remerciement l’accepta et quelques paroles douces qui promettaient une reconnaissance et de la pitié pour mes douloureux souvenirs. « Moi aussi je serai votre amie, mais, ajouta- t-elle très pâle, à condition que vous ne pensiez jamais trop de mal de mon enfant, mon grand enfant perdu. »

J’aidai Cyrilla dans les formalités d’un divorce que le mari fugitif exigeait. À nouveau elle s’appela Dupont-Quentin, mais garda le prénom de Boldiroff, avec bien d’autres petits souvenirs fragiles mais incassables.