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pour oublier cette vie médiocre, sans possibilité lyrique. Allons, ouste, au pieu. Bonsoir.

— Bonsoir, Amie, chevrote une pauvre vieille voix.

De l’autre côté du mur, Amie se retourne toute la nuit. Insomnie ou sommeil qui ne vaut guère mieux ; le lendemain, pour arranger ses yeux battus, ses joues pâles, couche supplémentaire de maquillage. Mais après une confidence de miroir, sans doute craint-elle de céder à quelqu’une des tentations que sa jeunesse retrouvée chaque jour sous ses pas ne peut manquer de faire éclore, plus nombreuses, plus chaudes, car, déjà, aussi blanche de voix que fraîche peinte de figure, et, en dépit de la gorge offerte, des bras nus, qui vous ont de ces frissons d’impatience, à croire qu’ils ne peuvent plus continuer d’accepter, serait-ce une seule minute, leur piètre destin, résignée encore et toujours à la monotonie, dont le visage remis à neuf lui vaudrait vingt occasions pour une de s’évader, à la fiancée elle confie :

— Ton père m’inquiète. Il baisse. Il faut que tu sois mariée très vite.

— Bien, mère.

— Ce soir, Alfred et moi fixerons la date exacte. Le plus tôt sera le mieux. Sinon…