Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/91

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle a tout simplement sacrifié sa propre existence. Jamais elle n’a pris une seconde pour songer à soi, à sa beauté. Elle a choisi la mauvaise part. On l’a jouée, flouée. Mais pourquoi, au fait, pourquoi accepter que se prolonge un tel état de choses ? Déjà la révolte d’une inquiétante flamme allume son regard. Elle compulse des livres d’adresses, s’étudie dans les glaces, passe la revue de sa garde-robe. Sans indulgence elle juge ses nippes et elle-même. Sans indulgence, mais sans fausse modestie, et, finalement, elle décide de tirer parti et le meilleur parti possible d’un corps, d’un visage injustement négligés.

La voilà donc un beau matin, qui se met à courir les coiffeurs, les instituts de beauté, les modistes, les couturières.

La métamorphose va si bon train, qu’au bout d’une semaine, une amie de l’été, une des dames au belvédère, venue la féliciter du prochain mariage de sa fille ne pourra la reconnaître. Elle a jeté au diable son corset, fait teindre en jaune, aux couleurs de Petitdemange, ses cheveux coupés très court, et use d’un fume-cigarette façon jade. Et à l’avenir défense de l’appeler « mère, grand-mère ». Tout le monde doit la nommer « Amie ».

Parce qu’il se plie difficilement à cette nouvelle