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Lucie, buveuse de pétrole, aussi jolie avec son tablier blanc que les petites maids des films américains. L’enfant la revoit assise dans la lingerie, un refrain aux lèvres. Les monte-en-l’air. Cette grosse bête de cuisinière ne comprend rien à rien, et la femme de chambre avait un sourire si pâle, si doux, quand pour une petite fille qui connaissait et savait garder son secret, elle chantait une chanson aux paroles plus tristes que la pluie d’hiver sur le zinc, la chanson des monte-en-l’air. Des pleurs brillaient dans ses yeux que les tartines de moutarde avaient, depuis longtemps, habitués à la voluptueuse torture des larmes.

Frêle petite buveuse de pétrole, une enfant écoutait l’histoire de votre monte-en-l’air, le gars costaud et souple qui n’a pas froid aux yeux. Surpris en train de visiter un appartement, il est sorti par la fenêtre et pendant des heures il a erré sur les toits de Paris. Ses espadrilles blanches à rubans bleus trouaient la nuit, les chats miauleurs s’enfuyaient entre ses jambes et vingt fois, par leur faute, il a failli se rompre le cou. Le froid mordait à même ses muscles, mais la police a dû attendre le petit matin et ses traîtrises aigres avant d’avoir raison de son courage. Enfin on s’est saisi de lui. On l’a enfermé pour des mois et des mois, dans la