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réponds pas, mais, attention, le jour où je serai grande, sûr que je ne resterai pas à jouer aux cartes ou à faire des gammes après dîner. Chaque soir je mettrai une robe nouvelle très décolletée avec des fleurs sur l’épaule. J’aurai des souliers en or et un éventail tout rose, en plumes, aussi grand que moi. Alors, je pourrai devenir une actrice. Je chanterai des choses qui ne voudront rien dire, et je rirai et je danserai comme l’Américaine qu’on a vue cet été à Vichy, au Casino. Comme à l’Américaine, on m’apportera des bouquets, et je reviendrai cinq ou six fois, pour la révérence. À la sortie, des jeunes gens se disputeront pour que je monte dans leur auto. Je choisirai toujours une voiture rouge, parce que c’est plus beau dans la campagne, et, si on va très vite, on peut écraser des poules et même des moutons sur la route, sans faire de taches. Quand Cynthia est venue, grand-mère, qui n’était pas encore jalouse, répétait toute la journée : « La fille de ma sœur est une beauté, au front couronné de flammes. » C’est la vérité. Les cheveux de Cynthia sont si beaux qu’on pense qu’ils vous brûleraient les doigts si on osait y toucher. Papa doit être fier de vivre avec une si belle dame, qui a des jolies couleurs sur ses joues. Un homme ne peut pas être gai, quand sa femme a une mauvaise