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sûr qu’elle était aussi savante que toi, mais on ne s’amuse pas souvent avec elle. Nous, quand on est tous les deux, on rit, on chante. Alors on va faire un voyage. Chaque soir on aura une nouvelle chambre, mais toujours avec des lits jumeaux, le plus près possible l’un de l’autre, et on parlera longtemps avant de s’endormir. On fera la grasse matinée. On mangera dans les wagons-restaurants et pour que personne ne nous reconnaisse, je t’appellerai mademoiselle Fourchette. Toi, tu m’appelleras monsieur Couteau, et on nous prendra pour des Espagnols en voyage de noces. On ira dans des endroits très gais, où il y aura des fleurs aussi douces que tes cheveux et des boutiques où je t’achèterai des belles robes décolletées. Dans les pays chauds on boira de la limonade si froide et si piquante qu’on éternuera. Au pôle nord, avant de se coucher, on mettra tant de rhum dans notre thé qu’on rira en dormant. On montera sur toutes les Tours Eiffel. Si on rencontre des tigres, je te donnerai le bras et tu n’auras pas peur. Sur les banquises on verra des phoques qui jouent à la balle avec leur nez et on en ramènera un, pour nous distraire quand nous serons vieux. On enverra des oiseaux-mouches et des cornes de rhinocéros à ma petite fille. On lui écrira aussi sur des belles