Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Amie, quand j’en ai plein le nez, il me suffit d’entendre un Tantum ergo ou un Kyrie eleison, pour prendre mon pied. Demain, il y a grand’messe à la cathédrale. On y va ? On s’installera derrière un pilier…

La grand’messe. L’orgue, les voix mâles. La Reine, le chef couvert d’un jardin de plumes, la gorge et le col sous l’écume d’un boa, sanglote. À l’autel, est un homme tout doré. Doré comme jadis la barbe d’Alfred, doré comme le pain chaud. Amie a envie de mordre à pleines dents les belles mains au bout des bras dont joue l’homme doré, pour d’harmonieuses bénédictions. Une sonnette tinte trois petits coups et se baissent toutes les têtes. Alors on ne verra point cette femme qui va droite entre les rangs des chaises, et dont nul ne pourrait d’ailleurs empêcher l’ascension, car la force qui la mène déjà n’est plus de terre. Elle étend les bras. Encore trois pas et elle pourra toucher l’homme doré, qui sourit aux anges et ne se doute point de quel feu s’éclaire le visage de celle qui arrive. Mais pour qu’il sache enfin, qu’il comprenne, un cri, un vrai cri du corps déchire le silence de l’église. Amie a sauté sur l’homme doré, l’étreint, lui mord le cou, et celui-ci, un saint prêtre qui fidèle à ses vœux de célibat n’a jamais connu