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de l’inconscient, qui veinent le cristal ésotérique et marquent des chemins au plus inextricable du labyrinthe intérieur.

Nous pouvons reconnaître la toute-puissance de ces fils ténus, sans être tentés d’en faire des lignes-frontières. L’analyse n’a que trop longtemps, trop impunément, scindé, morcelé. Elle avait construit des cloisons étanches autour des plus infimes poussières d’état psychique. Or, comme l’a constaté Hegel, l’esprit n’est pas un sac à facultés.

D’accord avec la psychologie, l’art, depuis les débuts du XXe siècle, a décelé, exploré, conquis des montagnes de mouvants désirs, les geyzers inavoués, les coraux de l’inavouable, les algues d’un tumulte dont, au bord de sa plage d’apparence, le flâneur de la surface n’aurait su prévoir les sous-marines splendeurs.

Dès lors, il n’y a point d’abîme où ne doive avoir le courage de plonger qui se propose de représenter l’homme. Mais que la zone hier interdite ne prétende point aujourd’hui figurer le paradis retrouvé. Si, dans une page fameuse, Lénine a dit quelle source d’énergie pouvait être le rêve, il ne s’ensuit pas, bien au contraire, que tel ou tel puisse valablement se retirer dans ses songes, comme d’autres à la campagne, s’en faire un refuge, un alibi.

La flamme d’une vie intérieure, si intense soit-elle, ne saurait à elle seule, ni éclairer le monde qui est, ni suffire pour forger le monde dont un strict minimum de bonne foi et d’intelligence donne à vouloir qu’il soit et à faire en sorte qu’il devienne.

Cette flamme, si elle s’obstine à ne se nourrir que d’elle-même, bientôt elle s’étiole et n’est plus qu’une piètre virgule, une rognure de feu de Bengale juste bonne à ponctuer les mièvreries décoratives des jardins en miniature, les quelques centimètres carrés d’îles, débris de liège et de mousse, qui flottent à la surface des aquariums, tandis que, au fond des eaux croupies, se meurt la veine transparente des poissons tarabiscotés.

Et surtout, que l’on se garde bien de voir une fin, la fin des fins, le fin du fin, dans un moyen d’exploration, eût-il permis des découvertes à ces regards que trop de brûlantes questions assaillaient, pour qu’ils pussent accepter de rabâcher le sempiternel mot à mot.

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Une bourgeoisie qui se sent décliner, fondre et tomber en morceaux, toujours se met en quête de fontaines pétrifiantes.

Or ces fontaines pétrifiantes, elles ne sauraient trouver d’excuse dans aucune esthétique, fût-ce l’esthétique de la machine, si chère aux rénovateurs de l’art sacré futuriste.

Des académiciens qui portent chapeau d’aluminium valent d’autres académiciens en bicornes miteux. Marinetti et sa cli-