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DARWIN

esthétiques que j’ai éprouvée est d’autant plus bizarre que les livres d’histoire, les biographies et les voyages (indépendamment des faits scientifiques qu’ils peuvent contenir), les essais sur toutes sortes de sujets, m’intéressent autant qu’autrefois. Il me semble que mon esprit est devenu une sorte de machine propre à extraire des lois générales d’une multitude de faits, mais je ne puis concevoir pourquoi cette faculté a causé l’atrophie de la partie du cerveau de laquelle dépendent les jouissances et les goûts en question. Un homme doué d’un esprit mieux organisé ou mieux constitué que le mien n’aurait pas ainsi souffert, et si j’avais à recommencer ma vie, je me ferais une règle de lire de la poésie, d’écouter de la musique au moins une fois par semaine. Il est probable que, stimulée par l’exercice, la partie actuellement atrophiée de mon cerveau aurait conservé son activité.

La perte de ces goûts est une perte de bonheur, elle peut être nuisible à l’intelligence, et plus probablement au caractère, en affaiblissant la capacité d’émotion que notre nature peut ressentir.

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L’analyse des qualités mentales et des conditions auxquelles je suis redevable de mon succès peut donc être de quelque intérêt, bien que je sache que nul ne peut la faire correctement.

Je n’ai pas une grande rapidité de conception ou d’esprit, qualité si remarquable chez quelques hommes intelligents, par exemple chez Huxley. Je suis donc plutôt un critique médiocre. Dès que j’ai lu un journal ou un livre, l’écrit excite mon admiration et ce n’est qu’après une réflexion prolongée