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avait changé pendant les dernières vingt ou trente années. Jusqu’à l’âge de 30 ans ou environ, les poésies de tous genres, telles que les œuvres de Milton, Gray, Byron, Wordsworth, Coleridge et Shelley me procurèrent un vif plaisir. Shakespeare fit mes délices, principalement par ses drames historiques, lorsque j’étais écolier. J’ai dit aussi que la peinture, la musique surtout, me donnaient d’agréables sensations. Maintenant, depuis un bon nombre d’années, je ne puis supporter la lecture d’une ligne de poésie ; j’ai essayé dernièrement de lire Shakespeare et je l’ai trouvé si ennuyeux qu’il me dégoûtait.

J’ai aussi presque perdu mon goût pour la peinture et la musique. La musique me fait, en général, penser trop fortement au sujet que je viens de travailler, au lieu de me donner du plaisir. J’ai conservé quelque goût pour les beaux paysages, mais leur vue ne me donne plus la jouissance exquise que j’éprouvais autrefois.

D’un autre côté, les romans, qui sont des œuvres d’imagination, ceux même qui n’ont rien de remarquable, m’ont procuré pendant des années un prodigieux soulagement, un grand plaisir, et je bénis souvent tous les romanciers. Un grand nombre de romans m’ont été lus à haute voix, je les aime tous, même s’ils ne sont bons qu’à demi, et surtout s’ils finissent bien. Une loi devrait les empêcher de mal finir.

Un roman, suivant mon goût, n’est une œuvre de premier ordre que s’il contient quelque personnage que l’on puisse aimer, et si ce personnage est une jolie femme, tout est pour le mieux.

La curieuse et lamentable perte des goûts plus