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donne à un homme du peuple. Vite revenue de sa folie, elle fuit son amant d’un jour, et pour cacher les suites de sa faute, conclut hâtivement un mariage « convenable » béni par le clergé et entouré d’un public aristocratique.

Cette histoire brutale a pu, sans doute, se dérouler dans la réalité. Le début, la lassitude de la jeune mondaine, est traité avec finesse. Mais le fait qui est le nœud du drame, la brusque surprise des sens qui jette la jeune fille aux bras du premier passant… ce fait imprévu nous est indiqué de façon si sommaire qu’il nous laisse absolument déconcertés. Logiquement, il n’est pas impossible, mais pour qu’il nous paraisse artistiquement vivant, il fallait l’entourer d’une atmosphère de trouble sensuel, que Mme Charlotte Leffler n’a même pas songé une minute à créer.

Moralement, c’est à son éloge ; mais comme artiste, elle a eu tort de choisir un sujet qui lui convenait mal. Cette anecdote violente, naïvement contée, est fausse et désagréable.

Faisons d’ailleurs notre mea culpa. L’école naturaliste française de 1880, pour laquelle naturalisme signifiait trop souvent grossièreté, étendait alors sa contagion sur toute l’Europe littéraire. Anne-Charlotte n’a ressenti qu’une bien légère atteinte du mal, car le fait a été unique dans sa carrière.

Elle a été d’ailleurs trop punie. Aurora Bunge