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en quelques points franchie, et ce livre trop enjoué, trop gracieux, jouant sur des pointes d’épingle, est parfois impatientant comme un trop long marivaudage.

L’excès d’adresse est, d’ailleurs, le défaut qu’on peut reprocher à Selma Lagerlöf. Quand elle est emportée par un sentiment puissant (et c’est le cas dans toutes ses grandes œuvres) ; quand elle peint des caractères vivants dont elle est pénétrée, cette adresse, devenue instinctive, disparaît à nos yeux, et ne sert qu’à faire paraître le tableau plus vrai et plus frappant.

Mais si elle peint « de chic » de menues fantaisies, ou si elle compose de ces petits discours de circonstance qu’elle a prononcés à différentes reprises en Suède, et qui y ont obtenu un très vif succès… à ces moments le procèdé apparaît et devient gênant. Elle nous fait alors l’effet de ces pianistes, virtuoses impeccables, qu’on voudrait supplier de faire quelques fausses notes.

Mais de tels moments sont rares, on n’aperçoit le trop ingénieux mécanisme que s’il fonctionne « à vide », n’ayant pas de substance à broyer. C’était le cas pour les récits italiens, où la conteuse n’avait à mettre ni observation réelle, ni sentiment.

Ramenons-la bien vite en son pays de Suède, dont elle possède si bien l’âme que ses plus vagabondes fantaisies y sont pleines de vivante réalité.