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George riait d’un air heureux.

« Allons, faites comme vous voudrez, dit Constance. Seulement, soyez franc avec moi, comme je l’ai été avec vous. Si un moment arrive où vous sentiez que vous m’aimez moins, dites-le moi loyalement et que ce soit fini. Voulez-vous ?

— Oui. Je n’ai pas peur. Ce jour-là n’arrivera jamais.

— « Jamais » et « toujours » sont des mots surannés. Voulez-vous faire autre chose pour me faire plaisir… pour me récompenser de ma sincérité ?

— N’importe quoi… tout.

— Écrivez un livre, alors. Il est temps que vous en fassiez un. »

George ne répondit pas tout de suite. Il ne désirait rien plus réellement que de faire ce que Constance lui demandait, et pourtant, malgré des années de travail littéraire et de préparation incessante, il ne se sentait encore nullement prêt . Il se rendait bien compte que des fragments de romans lui passaient constamment dans la tête, que des scènes s’arrangeaient d’elles-mêmes, et que des conversations se présentaient spontanément à son esprit quand il s’y attendait le moins ; mais tout, était vague et indécis… Il n’avait ni le plan, ni l’action, ni les personnages, ni le théâtre, ni le commencement, ni le milieu, ni la fin. Promettre d’écrire un livre maintenant, cette année même, lui semblait de la folie. Et cependant, il commençait à craindre qu’à force de remettre cette tâche il fût bientôt trop tard. 11 était dans sa vingt septième année, et selon son jugement personnel il approchait terriblement de la trentaine.

« Pourquoi me demandez-vous de faire un roman à présent ? dit-il enfin.

— Parce qu’il est temps et que si vous continuez