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l’avait vu sans peine renoncer au monde, et, malgré son indifférence affectée, tout en lui l’encourageait à persévérer dans cette attitude.

En voilà sans doute assez pour introduire le récit et présenter notre héros : les caractères se définissent mieux par les actes que par les analyses. Lui-même, au moment où commence cette histoire, ne se rend compte ni de ses qualités ni de ses défauts. Il ne songe pas même à considérer la vie comme un problème dont la solution est laissée à sa volonté. Il est plein de contradictions, mais il ne s’en doute pas. Il est oppressé par son entourage, mais serait incapable de dire ce qu’il ferait de la liberté. Il dédaigne l’argent, mais il travaille pour un morceau de pain et aspire à toutes les joies que donne la fortune. Il aime son père et trouve intolérable la société de l’excellent homme. Il fuit le monde et rêve d’y jouer un rôle. Il se croit sceptique et n’est que chimérique. Il est, en un mot, dans cette période d’obscure transition, qui précède l’éclosion de la personne morale, et où l’on s’imagine entrevoir l’avenir alors qu’on s’éclaire seulement des reflets du passé. Dans la nuit où il se débat, il ne pressent pas encore l’aube qui se lève.


II


C’est bien triste, observa Mme Sherrington Trimm d’un air pensif. Leur mère est morte à Londres l’automne dernier, et elles se trouvent à présent toutes seules… personne avec elles qu’une tante, ou quelque chose comme cela…, pauvres filles ! C’est encore heureux qu’elles soient riches. Vous devriez faire leur connaissance.