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partout au premier rang. Dès le collège, George avait déçu cet espoir : jamais un seul prix, des notes faibles aux examens. À vrai dire, ses maîtres ne le jugeaient point médiocre, mais tous semblaient le croire appelé à suivre une autre voie que celle où ils l’avaient vu marcher : le professeur de grec estimait que George aurait pu se distinguer en latin ; le professeur de latin le croyait doué pour le grec : tous deux pensaient qu’il avait des dispositions pour les mathématiques, tandis que le mathématicien conseillait de le vouer à l’étude des lettres.

Comment Jonah Wood n’eût-il pas ressenti quelque inquiétude de voir son fils, portant encore le fardeau de ces appréciations, se jeter dans la mêlée littéraire ? Comment ne se fût-il pas affligé de le voir confiné — irrémédiablement, à coup sûr — dans les besognes infimes de la presse à bon marché ?

George sentait tout cela et s’enfonçait de plus en plus dans la solitude. Tout le lui conseillait d’ailleurs. Non pas que les malheurs et la pauvreté de Jonah Wood l’empêchassent de garder le contact avec les anciennes relations de sa famille : l’intégrité du vieillard avait été si hautement démontrée qu’elle constituait un brevet d’honneur pour son fils. Mais George était aussi fier que son père, et plus impressionnable que lui. Il se rappelait fort bien l’expression de cruauté enfantine, de mépris ironique qu’il avait saisie dans les yeux de quelques-uns de ses camarades, alors qu’il était encore sur les bancs de l’école. Aussi, plus tard, quand le désintéressement de son père avait été reconnu, quand ses anciens condisciples lui avaient tendu la main pour réparer le mal, les avait-il accueillis avec hauteur.

Jonah Wood l’avait su et s’en était réjoui. Il