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Peut-être est-ce un peu violent, se dit-il avec un sourire mauvais, en relisant ce qu’il avait écrit. Je me fais un peu l’effet de Wellington revisitant Waterloo ! »

Certes, d’après cet article, on aurait dû supposer que George avait publié au moins une douzaine de volumes, et que tous les critiques du monde civilisé s’étaient élancés pour le déchirer l’un commun accord. La violence de ses attaques défiait toute comparaison. Les mots étaient entassés, pour ainsi dire, sur le parcours de sa charge meurtrière ; il s’était pendu, écartelé, et pour sa propre satisfaction il s’était plusieurs fois coupé en morceaux qu’il avait attachés au gibet de toutes les pages. Dans sa fureur et son inextinguible soif de vengeance, il avait cité des passages entiers d’articles qu’il avait écrits rien que pour les mettre en pièces et, de leurs restes, allumer des feux de joie

« Je crois que je ferai bien d’attendre un ou deux jours, » se dit-il en pliant le manuscrit et en le mettant dans un tiroir de sa table.

Après avoir écrasé et éreinté tous les critiques passés, présents et futurs de la façon la plus complète, George Wood mit la main sur les nouveaux volumes qu’il avait récemment apportés et s’acquitta pendant plusieurs jours de son travail de comptes rendus. C’est là un des traits caractéristiques et une des nécessités de la profession. En outre, il fit la besogne beaucoup mieux que de coutume. Les deux directeurs de journaux qui lui avaient donné du travail cette semaine-là furent surpris de voir qu’il était revenu avec un tel succès à son ancienne manière d’écrire. Ils furent plus surpris encore quand un article intitulé « Critique à son marché » et signé de son nom parut