Page:Crawford - Insaisissable amour, av1909.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 7 —

George accepta avec un empressement qu’on devine, et, après avoir reçu du directeur quelques indications générales, il emporta deux volumes récemment publiés.

On inséra le quart de son article dans la partie littéraire du journal : il ne savait pas encore se limiter à un certain nombre de lignes, pratique vulgaire, mais d’importance capitale avec le régime de la presse quotidienne.

Le premier sentiment de répugnance que lui inspira ce travail se dissipa vite à la pensée de gagner véritablement quelque chose, si peu que ce fût. Avec le temps, il acquit les « ficelles » nécessaires et fit juste ce qu’on demandait de lui.

Ses journées se passaient dans ce travail banal et fatigant, sans qu’il songeât même à en sortir. L’idée d’écrire un livre ne lui était pas venue : il ne se sentait aucun des dons qui permettent à l’artiste « d’inventer », tandis qu’il croyait posséder, au plus haut degré, les qualités du « critique ». Sa plus haute ambition était de réunir en un volume ses articles sur les œuvres des autres, et il rêvait d’v déployer un talent qui s’imposerait à l’opinion.

Personne cependant n’avait prêté la plus légère attention à ses efforts, et ses meilleurs essais étaient allés au rebut. N’importe : il croyait et espérait, et la tâche si modeste qu’il était parvenu à s’attribuer lui suffisait pour justifier à ses yeux le mépris de la vie commerciale.

Parfois, cependant, il se sentait un doute sur la portée du travail où il s’enfermait et rêvait de quelque « ouvrage sérieux » où il donnerait mieux sa mesure. Il y était poussé aussi, quoi qu’il en eût, par les regrets évidents de son père. Celui-ci ne se bornait pas à désirer que son fils entrât dans les affaires : il eût voulu le voir en tout et