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Les mains vigoureuses qui tenaient le livre tressaillirent imperceptiblement. Une très légère rougeur se montra sur le visage du vieillard. Mais ce fut tout. Les yeux restèrent fixés sur le livre, qui ne bougea pas.

« Eh bien, dit la voix monotone de M.  Jonah Wood, ne devons-nous pas tous mourir un jour ou l’autre ? »


VI


Pendant plusieurs semaines, on avait considéré Thomas Craik comme perdu ; un jour, on fut donc très surpris d’apprendre qu’il était hors de danger, sauvé presque par miracle — un de ces miracles qu’opèrent quelquefois sur les riches les médecins qui ont du bonheur. Durant cette maladie, George, désappointé de voir qu’il y avait encore tant de vitalité chez son ennemi, vint fréquemment prendre des nouvelles, et M.  Craik fut très sensible à ces démarches répétées.

Il n’échappa pas non plus au vieillard qu’à mesure qu’il allait mieux, l’espérance semblait abandonner sa sœur Totty, et qu’à ses accès de joie et à ses effusions exagérées à propos de sa guérison succédaient des périodes d’abattement pendant lesquelles elle paraissait considérer avec regret une vision de bonheur qui s’évanouissait lentement.

Mme  Sherrington Trimm n’avait vraiment pas lieu d’être enchantée. La convalescence inattendue de son frère lui enlevait d’abord toute perspective immédiate d’héritage et elle soupçonnait encore que pendant sa maladie il avait dû faire certains changements dans ses dernières dispositions. Cette croyance s’était formée dans son esprit on ne sait comment, car son mari avait scru-