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derrière la tristesse de la jeune fille, tout en étant un peu étonné lui-même de se sentir entraîné dans un aussi étrange calcul psychologique. Il n’était pas prompt à croire au mal, mais trouvait difficile de croire à un bien absolu. Il y eut un silence de quelques instants, pendant lequel George, un peu penché en avant dans son fauteuil, regardait bêtement ses mains croisées sur son genou, tandis que Constance, renversée dans les profondeurs de sa bergère, observait son profil énergique se détachant nettement sur la brillante clarté de la fenêtre.

« Êtes-vous confiante, mademoiselle Fearing ? demanda George un peu à brûle-pourpoint.

— Comment l’entendez-vous ?

— Quand vous rencontrez une personne étrangère, votre premier mouvement est-il de vous fier à elle ?

— Il n’est pas facile de répondre à cette question. Je ne crois pas y avoir beaucoup réfléchi. Et vous, quel est votre premier mouvement ?

— Vous êtes méfiante alors, dit George d’un ton convaincu.

— Pourquoi ?

— Parce que vous répondez à une question par une question.

— Est-ce une preuve ? Comme on devrait faire attention à ce qu’on dit ! Eh bien… je vais essayer de répondre franchement. Je crois que je n’ai pas de préventions, mais j’aime à observer le visage avant de fixer mon opinion sur quelqu’un.

— Et quand vous avez décidé, changez-vous facilement ? N’avez-vous pas une première impression arrêtée à laquelle vous revenez en dépit de votre jugement et en dépit de vous-même ?

— Je ne sais pas… non, du moins j’espère que non. Mais pourquoi me demandez-vous cela ?