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étaient dans l’anxiété et la souffrance, laissait courir sa plume avec une expression de vif intérêt sur son visage brun et un regard d’ardent plaisir dans les yeux, pareil à celui que doit avoir un chasseur sur le point d’atteindre un fauve.

Sans l’accident de pensée qui avait fait circuler une idée nouvelle dans son cerveau, il eût encore été assis dans son vieux fauteuil, fumant rêveusement sa petite pipe et songeant aux personnes qu’il avait vues ce jour-là, avec bienveillance pour les unes, avec dureté pour les autres, sans pourtant rester sourd à tous les souvenirs.


XXVII


Il ne serait pas juste de dire que, pendant les jours qui suivirent la rupture de son engagement avec Mamie Trimm, George Wood fut insensible, parce qu’il était complètement inconscient de l’existence de la jeune fille pendant la plus grande partie des vingt-quatre heures. Par une coïncidence qu’il n’eût certainement pas évoquée, un courant de pensées s’était établi dans son cerveau une heure ou deux après la catastrophe, et il fut impuissant à l’arrêter dans sa marche jusqu’à ce qu’il fût arrivé à la fin. Pendant neuf jours consécutifs, il n’avait pas quitté la maison sortant à peine de sa chambre pour prendre ses repas, ce qu’il faisait d’ailleurs très sommairement, sans perdre de temps en conversations inutiles. Le matin du dixième jour, il s’aperçut qu’il en était au dernier chapitre et il s’assit devant sa table dans cet état d’esprit auquel arrive un très jeune auteur après une semaine et demie de fatigue et de surexcitation incessantes. La chambre lui parais-