Page:Crawford - Insaisissable amour, av1909.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans arrière-pensée. Elle était forte moralement sans affectation, clairvoyante sans faire parade de finesse, passionnée sans extravagance, raisonnable sans ennuyer, pieuse sans bigoterie, digne sans raideur. Bref, en pensant à elle, George s’aperçut que la femme qui lui avait témoigné de l’antipathie et qui l’avait desservi autrefois était celle pour laquelle il éprouvait la plus sincère admiration. Il se souvint alors qu’à sa première entrevue avec les deux sœurs, il avait mieux aimé Grâce que Constance et qu’il l’eût alors choisie pour l’objet de ses attentions, si elle eût été libre et s’il eût prévu que l'amitié devait suivre l’intimité et l’amour succéder à l’amitié. Malheureusement pour George Wood et pour tous ceux qui se trouvent dans des situations semblables, cette succession d’événements est la plus rarement prévue, et George était disposé à se contenter de spéculer sur la nature du bonheur dont il aurait pu jouir s’il eût été aimé par une femme qui semblait morte à présent à toutes affections. Il suffisait de la comparer à sa sœur pour comprendre sa supériorité ; il suffisait de penser à Mamie pour voir que de ce côté aucune comparaison n’était possible.

« Il serait bien étrange que ma destinée fût de l’aimer, pensa George, mais elle ne m’aimera jamais ! »

George s’éveilla de sa rêverie et, par la force de l’habitude, s’assit devant sa table. Le papier et l’encre étaient devant lui, et sa plume était toute prête sous sa main, là où il l’avait posée la dernière fois. Presque sans s’en apercevoir, il se mit à écrire, prenant des notes sur une situation qui venait soudain de se présenter à son esprit. La plume marchait, courant quelquefois rapidement, parfois s’arrêtant avec une hésitation impatiente