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avait ignoré les luttes et elles avaient momentanément cessé de jouer un rôle dans ses pensées. De cette existence rêveuse au milieu des fleurs, des bois et de l’eau, la jeune fille, qui avait été si constamment près de lui, se détachait à présent aussi naturelle que le cadre qui l’entourait ; elle lui semblait l'incarnation de la vie, cette charmante créature qui ne pouvait penser, raisonner, jouir, souffrir qu’avec son cœur. Elle avait été la figure centrale et avait contribué à l’effet général, au point que sous l'empire des circonstances il avait été disposé à croire qu’il pourrait assez l’aimer pour 1 épouser. La scène avait changé, l’hallucination s’était évanouie, l’illusion était détruite, mais l’impression était restée et troublait son souvenir des événements plus récents, il y avait dans les tableaux qui se présentaient un attrait auquel il ne pouvait échapper, malgré les efforts qu’il faisait pour les éloigner, en songeant à Constance.

Il pensa ensuite à Grâce Fearing, à son mariage et à la courte période de bonheur terminée brusquement et terriblement par une immensité de douleur, il lui semblait qu’il vaudrait presque la peine de souffrir sa souffrance si on pouvait avoir ce qu’elle avait trouvé ; car il fallait que l’amour eût été bien grand, bien profond et bien sincère, pour laisser de telles blessures là où il avait existé. Aimer une femme capable de tant d’amour serait le bonheur. Jamais elle n’avait douté d’elle-même, ni de ce qu’elle éprouvait ; toutes ses pensées étaient claires, simples et fortes ; elle ne s’analysait pas pour savoir la mesure de sa propre sincérité ; mais elle était incapable aussi de se laisser emporter par une passion irraisonnée. Elle aimait et elle haïssait franchement, sincèrement,