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sœur, dont elle eut peine tout d’abord à reconnaître le visage. Elle était habituée à la voir dans l’obscurité d’une chambre, enveloppée d’amples vêtements sombres, et voici qu’elle se montrait habillée avec la simplicité qui convenait à son grand deuil, mais avec un goût parfait. La correction même de sa toilette ne servait qu’à faire ressortir les changements qui s’étaient opérés pendant les dernières semaines. Elle avait extraordinairement maigri et pâli, et la profondeur de ses yeux était accentuée par les cercles noirs qui les encadraient. Mais elle se tenait droite en marchant et portait la tête aussi fièrement que jamais. Son énergie n’était pas affaiblie, seulement elle paraissait à présent beaucoup plus âgée que sa sœur aînée.

Constance se leva vivement, poussant la première exclamation de joie qui fût sortie de ses lèvres depuis de longs jours.

« Dieu soit loué ! s’écria-t-elle. Enfin !… »

Mme  Trimm avait souvent envoyé prendre des nouvelles, mais ni elle, ni Mamie, ni George ne s’étaient hasardés à s’approcher de la maison sur laquelle s’était abattue une si effroyable douleur. Ils avaient été surpris que les deux sœurs n’eussent pas quitté leur maison de campagne après la catastrophe, et ignoraient encore les raisons qui avaient pu les retenir sur les bords de ce fleuve qui aurait dû leur être odieux.

Un matin, pendant qu’ils étaient à déjeuner, on apporta à George un billet d’une écriture qu’il ne reconnut pas, mais qui lui était singulièrement familière par sa ressemblance avec celle de Constance.

« Voyez ce que c’est ! » s’écria Totty avant qu’il eût eu le temps de demander la permission de le lire.