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cemment éprouvées par le malheur passaient par une de ces périodes de la vie sur lesquelles nous jetons plus tard les yeux avec étonnement, ne pouvant croire que nous avons pu tant supporter sans plier sous le faix. Grâce était folle de douleur. Après les premiers jours de sanglots éperdus, elle reprit un peu d’empire sur elle-même, mais, privée de l’issue des larmes, sa douleur profonde, implacable, lui devint plus cruelle. Pendant bien des jours, la malheureuse femme ne quitta pas sa chambre, assise du matin au soir dans la même attitude, immobile et les yeux secs, ne cessant de regarder l’endroit où le corps de son mari avait été étendu, et, dans cette même pièce, toute la nuit, sans dormir, elle épiait à la fenêtre le premier rayon du jour dans le fol espoir que tout cela n’avait été qu’un rêve et disparaîtrait avec le soleil du matin.

Constance ne la quittait pas au début, mais elle ne tarda pas à comprendre que cette femme forte préférait être seule. Une ou deux fois elle la supplia de quitter la campagne et de se laisser conduire à la ville, au bord de la mer, en Europe, n’importe où, loin de ce qui lui rappelait le passé. Mais Grâce l’avait regardée avec de grands yeux froidement étonnés.

« C’est tout ce qui me reste… le souvenir, » dit-elle.

Puis elle se replongea dans le silence. Constance consulta des médecins, mais tous lui dirent qu’il n’y avait rien à faire, et que, Mme Bond ayant résisté au premier choc, elle surmonterait probablement la crise. Ce fut effectivement ce qui arriva. Par une matinée de septembre, Constance, assise seule dans un coin du jardin, fut surprise par l’apparition soudaine de sa