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la jeune fille. Quand une jeune femme dit qu’elle liait une autre, il est assez facile à son ton de juger de sa bonne foi. Quoiqu’il fût encore cruellement embarrassé, le nuage disparut du front de George aussi rapidement qu’il était venu.

« Voilà une révélation ! s’écria-t-il. Je croyais que ta mère et toi vous leur étiez très dévouées à toutes deux.

— Cela me ressemblerait bien, n’est-ce pas ? » Mamie appuya sur ses paroles avec un petit rire de colère.

« Cela ne te ressemble pas de haïr les gens, observa George en la regardant attentivement.

— Je haïrai toujours ceux qui te feront du mal… et je puis haïr de tout mon cœur !

— As-tu donc tant d’affection pour moi ? »

George trouvait que la jeune fille devenait à tout moment plus difficile à comprendre. Cette question lui avait paru toute naturelle puisqu’ils se connaissaient et s’amusaient comme frère et sœur depuis si longtemps. Mais il vit qu’il y avait autre chose. Les yeux gris de Mamie avaient un regard d’effroi qu’il ne leur avait jamais vu. comme si elle se trouvait tout à coup en présence d’un grand danger. Puis les contours de sa physionomie se détendirent soudain pour prendre une étrange expression de douceur. Elle n’avait jamais été jolie, sauf ses yeux et son teint d’albâtre : pendant un moment elle était devenue belle.

« Oui, dit-elle d’une voix hésitante, je t’aime beaucoup… plus que tu ne sauras jamais. »

Son secret venait de lui échapper. Alors, pour la première fois de sa vie, bien qu’il eût près de trente ans, George leva les yeux sur une femme qui l’aimait de tout son cœur et il sut ce que l’amour était chez une autre comme il l’avait su pour lui-même.