Page:Crawford - Insaisissable amour, av1909.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 179 —

« Oui, je l’ai été, répondit enfin George. Je l’aimais très tendrement. »

Il ne savait pas pourquoi il faisait cet aveu. Il n’en avait jamais dit autant à personne, excepté à son père. S’il avait deviné ce que Mamie éprouvait pour lui, il n’aurait assurément pas répondu de cette façon.

« Es-tu encore très malheureux ? demanda la jeune fille d’une voix rêveuse.

— Non. Je ne crois pas. Je ne suis plus le même qu’autrefois. Voilà tout… J’ai d’abord été malheureux, continua-t-il sans regarder sa compagne, dont il paraissait à peine se rappeler la présence. Oui, naturellement, je l’ai été. Je l’aimais depuis longtemps. J’avais cru qu’elle m’épouserait. Puis j’ai découvert qu’elle était indifférente. Je ne retournerai jamais la voir. Elle n’existe plus pour moi… C’est une autre personne, que je ne désire pas connaître. J’ai aimé et j’ai été déçu, comme l’ont été bien des hommes valant mieux que moi.

— Aimer et être déçu ! » répéta la jeune fille d’une voix très basse qui arriva à peine à l’oreille de George.

Elle avait les yeux baissés et nouait et dénouait nonchalamment le bout des cordes du gouvernail.

« Oui, c’est bien cela, dit-il, comme quelqu’un qui réfléchit à une chose passée depuis longtemps. Tu sais maintenant pourquoi je n’y vais plus. »

Puis il accéléra un peu son coup d’aviron, et son regard se remplit d’un feu sombre que Mamie ne put voir, car elle avait toujours les yeux baissés. Elle était contente d’avoir fait cette question en raison de la réponse qu’il avait donnée. Dans son ton il avait quelque chose qui lui disait qu’il ne se trompait pas sur lui même et que dans son cœur