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Cependant Totty était une épicurienne beaucoup trop accomplie pour permettre à son malade un excès en rien. Elle le surveillait de plus près qu’il ne le supposait et était toute prête à opérer un changement, non pas quand elle apercevrait des signes de fatigue, mais dès qu’elle verrait qu’il était satisfait. Elle jouait gros jeu et son attention ne se relâchait pas un instant. Mais il fallait, avant tout, que George s’éprit de Mamie.

Totty ne pensait pas que la beauté de sa fille fût suffisante pour séduire un homme récemment désappointé. Cette beauté ne suggérerait à George que des comparaisons dangereuses, ne réveillerait que des souvenirs et des regrets assoupis. Elle avait plus de confiance dans le charme subtil de Mamie, dans sa voix et ses gestes, que dans d’irréprochables perfections de lignes. Ce charme lui donnait une individualité propre que Constance Fearing n’avait jamais possédée, et qui ne ressemblait à rien de ce nue George avait remarqué chez les autres jeunes filles. Il pourrait sans doute se lasser de cela, aussi, comme de toute autre chose, mais Totty était encore plus soigneuse des effets qu’elle produisait avec Mamie que de ceux qu’elle amenait par son attention minutieuse à gouverner sa maison. C’est là qu’apparaissait sa plus grande habileté, car elle avait à jouer un rôle de duplicité à trois faces. Elle avait à plaire à George sans l’obséder, à régler les relations entre Mamie et lui, de façon à servir ses desseins, et à inventer des raisons pour que Mamie se conduisit selon ses" désirs, sans communiquer à la jeune fille un mot de ses intentions. Si George paraissait avoir éprouvé du plaisir à causer en tête-à-tête avec Mamie, il fallait l’empêcher de causer seul avec elle pendant au moins vingt-quatre heures, et