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trouvait alors sous l’influence d’une forte émotion, produite par le dénouement de son livre, et, à ses yeux, il lui semblait qu’elle avait très mal agi. Si elle avait été capable de pousser plus loin son analyse, elle eût découvert que derrière cette défiance d’elle-même, il y avait une persistante défiance de George. Une année auparavant, elle avait cru possible qu’il fût attiré par sa fortune. À présent elle eût repoussé cette idée, si elle se fût présentée, quoiqu’elle persistât néanmoins sous une forme plus subtile.

« Il m’aime sincèrement, se disait-elle. Il m’épouserait à présent, même si j’étais pauvre. Mais m’eût-il aimée dès le début si j’avais été pauvre ? »

Cette question la tourmentait perpétuellement en lui suggérant bien des doutes malfaisants. Mais elle restait pourtant convaincue de deux choses. D’abord, qu’elle était singulièrement influencée par la présence de George à dire et à faire des choses qu’en d’autre temps elle n’eût jamais ni dites ni faites, et ensuite, qu’elle l’aimât vraiment ou non, elle ne croyait pas pouvoir aimer quelqu’un autant. Dans ces conditions, il valait évidemment mieux qu’elle ne le vît pas pendant un certain temps. Elle se retirerait ainsi de la sphère de son influence directe, et aurait le loisir d’étudier et de peser ses propres sentiments avant d’arriver à une décision. Néanmoins, elle envisageait d’avance le moment de se séparer de lui avec presque du chagrin. Contrairement à son attente l’entrevue fut très calme.

Ils causèrent un peu du roman, Constance affectant un air de mystère relativement à son avenir, George en parlant avec la plus grande indifférence. Quand il se leva pour partir, elle lui posa la main sur le bras.