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— Vous êtes une menteuse, lui dis-je, et vous venez de m’en donner la preuve certaine. — Vous êtes Anne Buirette, ancienne femme de chambre de Mme de Douhault. Nous nous connaissions beaucoup, votre maîtresse et moi, et voilà ce que vous ne saviez pas avant que je ne vous le disse.

— Ah ! mon Diou ! mon Dieu ! faut-y, faut-y…

— Vous êtes Anne Buirette, du faubourg de la Villette, et je vous défends de reparaître ici.

Je m’empressai d’écrire à son sujet à M. Marduel, et je ne l’ai pas revue, comme de juste. Elle était sortie de chez moi dans un trouble affreux, mais je ne me reproche pas la rigueur de mon exécution. Elle avait dit en me parlant de l’ancien Évêque d’Orléans, monseigneur-l’évêque, et voilà ce que la Mse de Douhault n’aurait jamais fait ; mais elle avait dit aussi nous-deux-mon-frère au lieu de mon frère et moi, et ceci fut à mes yeux un trait de lumière, attendu que cette locution n’est employée ni dans l’Orléanais, ni dans aucune autre province de France, et que c’est une manière de parler qui n’est usitée que dans les faubourgs de Paris. Je ne saurais douter que ce ne soit une femme de chambre, une femme de Paris, une fille du peuple : je suis convaincue de son imposture, et j’en subirais l’épreuve du feu !

On avait de la peine à s’expliquer pourquoi Mme de T… protégeait ouvertement une pareille intrigante, et comme elle a toujours des motifs secrets, on a su que cela venait tout simplement de ce qu’elle n’aimait pas Mademoiselle de Champignelles, à raison de je ne sais quelle rivalité pour un logement