Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu d’orthographe, et surtout celle de son nom de famille ! Elle aurait dû se souvenir de certaines particularités de sa jeunesse ; elle aurait dû se rappeler l’époque de son mariage et la couleur de son premier ameublement, par exemple ? Elle aurait dû savoir que son mari n’était pas chevalier du St-Esprit… Elle ne savait rien de tout cela, ni rien de rien, si ce n’est qu’elle était Mme de Douhault dont la famille avait usurpé l’héritage, et qu’on avait tenue renfermée dans un cachot à cent pieds sous terre, où elle avait oublié le surplus.

Elle avait signé Chan Pinelle au lieu de Champignelles, et son écriture était celle d’une véritable femme de chambre. — Elle a tant souffert ! disait son avocat ; — Elle a tant souffert ! disaient les magistrats et les auditeurs à l’envi les uns des autres. Elle a gagné sa cause en première instance, et le procès dure encore.

On vient me dire il y a cinq ou six mois, qu’il y a devant ma porte une dame en fiacre, et qu’elle demande à me remettre un billet du Curé de Saint-Roch. J’envoie Dupont vérifier la chose ; il m’amène une grosse petite femme toute commune, et tout aussitôt que j’ai vu dans sa lettre de recommandation que c’est la soi-disant marquise de Douhault, je la regarde sans la faire asseoir, et je la vois se décontenancer. Elle se met à parler précipitamment sans se douter que j’avais connu Mme de Douhault, dont on pouvait trouver qu’elle avait effectivement un faux air de visage, mais sans aucun rapport de physionomie, de tenue, de tournure, de manières, et surtout de langage et d’accent.