Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

libérées après le ix thermidor ; mais les républicaines avaient fini par l’adopter en signe de persécution passée, parce que c’était devenu le bel air. Les bourreaux avaient décimé les générations françaises, mais toutes ces dames avaient grand soin de vous rassurer sur l’avenir de la population, en simulant un état de grossesse universel. Ces apparences de fécondité s’appelaient des demi-termes, et les élégantes de 95 n’auraient pas voulu se montrer sans un pareil accessoire à leur parure.

Avec tout cela, parmi les amateurs des antiques et de la régénération, le parti des Grecs avaient trouvé des antagonistes, et c’était les merveilleuses du Luxembourg. Elles avaient adopté le costume romain, parce qu’il admettait l’emploi de la grande toilette ; mais je ne vous avais peut-être pas dit que les cinq directeurs avaient élu domicile dans le palais de Monsieur, ainsi ne vous y trompez pas. Il y avait donc à la cour de ces Tibères du Luxembourg de charmantes Julies, des Poppées, des Agrippines, des Cornéiies énormes et je pense bien aussi des Faustine-la-Maigre. Elles avaient des robes de patriciennes en tissu de pourpre avec des broderies de métal en palmettes ; elles avaient de longs cheveux bien nattés à la Porcia, et mêlés de pierreries ; mais ce qui m’en plaisait le moins, c’était leurs chaussure, attendu que leurs bas couleur de chair étaient divisés pour les doigts de leurs pieds comme des gants, et qu’elles avaient des bagues de diamant à tous les orteils. Je ne sais pas où la citoyenne Tallien avait pu découvrir une pareille mode, et comme je ne doute pas qu’elle ne fût de son inven-