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voulaient se réfugier en Angleterre. Il avançait ou donnait tout ce qu’il fallait pour des entreprises aussi dispendieuses, avec une charité magnifique, et les services qu’il avait rendus étaient innombrables. Je vous puis assurer que les dernières années de ce M. de Villette ont noblement réparé la frivolité, j’ai presque dit les désordres de sa vie passée.

On nous rapporta sur le Dauphin qui venait de mourir en prison une chose certaine et qui me parut bien touchante : ce malheureux enfant se refusait absolument à parler, et même il ne voulait répondre par aucun signe d’assentiment ou de négation à ce que lui demandaient ses gardiens qu’il évitait de regarder et dont il détournait les yeux avec une persévérance invincible. Il avait pris cette résolution parce qu’il avait entrevu qu’on voulait torturer le sens de je ne sais quelle réponse qu’il avait faite à son geôlier à l’égard de la Reine, sa mère. Il ne s’est jamais départi de cette résolution prodigieuse, et quand il est mort (le 8 juin 1795) il y avait plus de vingt-deux mois qu’on n’avait pu obtenir de lui, non seulement de proférer une seule parole, mais de faire aucun signe, aucun mouvement, qui pussent être interprétés par oui ou par non.

Sa fin peut avoir été la suite des mauvais traitemens dont on n’avait cessé de l’accabler depuis deux années ; mais il est à remarquer que c’est précisément depuis la mort de Roberspierre qu’on l’a séparé de sa sœur et qu’on a redoublé d’inhumanité contre lui. L’époque de sa mort est précisément celle de l’expédition royaliste pour Quiberon, expédition qui se disposait dans les ports d’Angleterre avec un