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« À la prison d’Auray, ce 22 juillet.

Monsieur,

« J’aurai l’honneur de vous dire que le lâche fourbe qui nous a perdus, c’est-à-dire M. de Puisaye, m’avait donné l’ordre de prendre une position et de l’y attendre ; mais il a eu l’extrême prudence de joindre bien vite un bateau, abandonnant au hasard le sort des nombreuses victimes qu’il a sacrifiées. Les gardes du fort ayant été forcées, toute l’aile gauche de la position était déjà tournéee et il ne restait de ressources que dans un embarquement le plus précipité, rendu presque impossible par la proximité de l’ennemi. Nos régimens d’Hervilly et du Dresnay se rangèrent entièrement du côté de l’ennemi, abandonnant leurs drapeaux et massacrant leurs officiers. La majorité de nos soldats, désespérant d’une aussi affreuse position, s’éparpillèrent dans la campagne. Je me trouvais adossé cerné, et resserré au rocher, à l’extrémité de l’île, avec deux ou trois cents gentilshommes et le peu de soldats restés fidèles ; mais sans cartouches, n’ayant pu en obtenir que pour les gardes du fort Penthièvre, malgré mes instances les plus réitérées : sans doute que M. de Puisaye avait eu des raisons qu’il essaiera d’expliquer ? Plusieurs bateaux, encore à la côte, pouvaient me donner la ressource déshonorante dont il a si promptement profité ; mais l’abandon de mes frères d’armes eût été bien pis que le sort