Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quinze ans de plus que moi. Mademoiselle de Hercé, qu’on n’avait pas fusillée, sans qu’elle en sache encore le pourquoi, m’a raconté que cette Abbesse était restée d’un caractère inflexible. Elle avait comparu devant la commission révolutionnaire d’Auray en habit religieux, disant qu’il était d’obligation pour elle. Elle avait commencé par déclarer que son âge et sa profession devaient la mettre à l’abri d’une inculpation pareille à celle d’avoir porté les armes contre la république ; mais, le président l’ayant interrompue pour lui demander quel était son nom, son pays, etc.

— Puisque vous prenez la licence, de m’interloquer, dit-elle au président, je ne dirai plus rien : Quand l’âne parla, le prophète se tut !

Comme elle avait été prise d’un flux de sang pendant la nuit, et qu’elle ne pouvait plus se tenir debout le lendemain matin, M. de Hercé m’a dit qu’on l’avait étendue sur une couverture afin de la porter sur le sable, et qu’elle avait été fusillée à bout portant. Les gens du pays relevèrent son corps et l’ont enterré dans leur, église où l’on tient pour assuré que ses reliques sont d’une sainte. Elle était peut-être un peu trop fière de sa Crosse d’or, et de ses trois Chabauds d’or en champ de gueules, ainsi je ne sais qu’en penser.

Lisez cette lettre du Vicomte de Sombreuil à l’Amiral Wahren, qui commandait la flotte anglaise, et dites-moi si le jeune Français qui l’écrivit ne doit pas être l’objet d’un regret éternel pour nous ?