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désordre, et le manque absolu des vivres encouragea l’indiscipline et la trahison d’un grand nombre de mauvais soldats, qui pour la plupart étaient des prisonniers français, des marins nouvellement sortis des pontons, enfin des hommes sans foi, sans honneur et sans conscience politique. Ils avaient comploté d’abandonner les émigrés tout aussitôt qu’ils auraient touché les terres de France ; ils envoyèrent des transfuges auprès du général Hoche, ils abandonnèrent les royalistes qui furent surpris dans le fort de Penthiévre, et les émigrés se trouvèrent cernés par les républicains.

Rassemblés autour de leur jeune et valeureux chef (M. de Sombreuil), les émigrés et les Chouans soutiennent pendant plus de cinq heures un feu terrible, et c’était principalement à dessein de laisser le temps de regagner les vaisseaux anglais qui longeaient la côte, à toute une multitude de femmes et d’enfans, d’ecclésiastiques et de vieillards à qui le gouvernement anglais n’avait eu garde de refuser l’embarquement, et ceci par esprit d’économie ou de lésinerie politique. Mais il n’était pas possible à tous ces malheureux de se rembarquer, et le brave Sombreuil est obligé de mettre bas les armes. Le nombre des prisonniers s’élevait à dix mille deux cent soixante, en y comprenant les femmes et les enfans.

Je ne vous dirai pas s’il est bien vrai que les batteries des navires anglais balayaient à coups de boutets-ramés et de mitraille toute la plage où se précipitaient les émigrés pour aborder les bateaux, les