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connoîtroit l’héritier aux marques indélébiles qu’il portoit, et, volà le dénouement aussi et la cause des criminelles persécutions que j’ai essuyées de la part de ce Blanchefort et ses complices.

À mon apparition, sur la fin de 1775, cet administrateur de mes biens me méconnut, me traita de faussaire, d’imposteur et d’aventurier, et sur ma demande formée contre lui à la prévôté de Versailles, où il résidoit, étant attaché à la maison de Monsieur, il m’accusa et dénonça comme tel, et conclut à mon arrestation. Je fus emprisonné, mis au cachot, dessaisi de tous mes titres, qui furent livrés à Blanchefort, sous prétexte d’examen.

Par un coup du ciel, je me procurai, l’acte ci-devant mentionné ; il portoit mon signalement et prouvoit mon identité. La main qui le remit en imposa au juge complice ; et on me rendit la liberté, et j’en sortis sous le nom de Crequy, comme j’y étois entré.

Un jugement m’étoit dû pour m’absoudre et réparer, ou me condamner. Le juge complice n’en rendit point.

Forcé de me reconnoitre, Blanchefort s’excusa et me caressa pour me surprendre de nouveau. On imagina ensuite la calomnie de dire que j’étois complice de Lally dans l’Inde, où je ne fus jamais ; la calomnie fut reconnue, le roi fut détrompé et je sortis encore de ma prison.

Le roi meurt en mai suivant ; le prince des Deux-Ponts, mon parrain et protecteur, meurt bientôt après. Il m’avoit conseillé de voyager encore tandis qu’il me vengeroit ; sa mort me laissa désespèré. Je m’éloignai de mes ennemis, dont la persécution me suivoit ; je passai en Pologne, où j’y pris de l’emploi militaire. De retour en Silésie, je m’y mariai en 1781. Je revins en France en 1782. Je présentai des mémoires au roi pour lui demander justice et protection je lui rappelai les promesses qu’il m’avoit faites sous la Vauguyon ; il s’en souvint, et promit encore ; il me fit dire ensuite de me pourvoir au parlement pour mes droits et réclamations.

Le despotisme ministériel de France me persécuta ; des circonstances me rappellèrent en Silésie ; les mêmes persécuteurs et complices m’y poursuivirent ; on m’y arrête sous calomnie ; je me justifie et je suis rendu libre. Le despotisme ministériel de France sert Blanchefort par complicité ; on m’y crée une pension