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teuil, afin de reconnaître sa protection. Il y en avait au moins pour quarante mille livres. Il avait fait une fortune immense ; il avait déjà marie l’ainée de ses filles avec un prince de l’Ymirette, et voilà l’histoire de M. Linès de Linas de Magnoac. Je reprendrai la plume après être sortie de mon tourbillon d’abbés sexagénaires et de douairières.

J’ai peur que le temps ne me manque avant de pouvoir atteindre mon but ; ainsi, je laisse aux historiens futurs de la révolution le soin de vous parler du 18 fructidor et surtout du 13 vendémiaire, réaction jacobine où Buonaparte a fait mitrailler les plus honnêtes gens de Paris. Il a fait tuer de mille à douze cents personnes environ, pour son coup d’essai ; c’était un apprenti terroriste à la suite de Barras, et c’était la première fois qu’on eût entendu parler de ce personnage.

Je ne saurais pourtant vous dire que je n’avais jamais ouï parler de la famille des Buonaparté, et je me rappelle assez bien, parce que je me souviens de tout, que Mme de Marbœuf étant malade et se croyant mourante, et tous ses amis s’étant concertés avec sa sœur de Lévis pour aller lui tenir bonne compagnie[1], j’y fus appointée pour mon compte

  1. La Marquise de Marbœuf et la Maréchal de Lévis, sa sœur, étaient filles d’un riche armateur de Nantes, appelé M. Michel, à qui l’on avait fait obtenir des lettres d’annoblissement ; pour que ses deux filles pussent être qualifiées Nobles Damoiselles, dans leurs contrats de mariage. Elles avaient eu chacune huit millions de dot. Mme de Lévis n’avait rien acquis en fait de manières aristocratiques, et Mme de Marbœuf n’avait conservé rien de bourgeois. (Note de l’Éditeur)