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manque de culture que par les traces d’incendie, mais le matériel des villes est plus méconnaissable encore. On n’a pas manqué d’abattre partout les vieux remparts d’enceinte avec leurs belles tours et ces anciennes portes qui donnaient quelque chose de particulièrement historique et d’individuel, on pourrait dire, à chaque cité. Tout est rasé, si ce n’est l’hôtel-de-ville aujourd’hui la maison commune, où se tiennent cinq à six malotrus qui représentent le gouvernement Français, c’est-à-dire un officier corse, assisté d’un avocat de Montpellier et d’un ancien commis à la chancellerie de France. Ma province est appelée du nom d’un ruisseau. Le calendrier de Robespierre a remplacé l’ère chrétienne. On arrache les leurs de lys jusque dans les jardins. Le pavillon blanc n’est plus celui de la nation française ; il est bariolé de rouge et de bleu, livrée d’Orléans : c’est tout ce qu’on a conservé de l’ancien régime.

Mais je me trompe et je me rétracte. Il est resté dans presque toutes nos villes, un édifice imposant, dominé par de hauts pinacles, et sur qui tous les yeux viennent s’attacher avec un sentiment d’intérêt ou de curiosité, aussitôt qu’on l’aperçoit du bout de l’horizon.

Il y a là-dedans un homme habillé de violet, comme au XVe siècle ; il y siège en prince ; il y parte en maître ; on l’appelle Monseigneur, en dépit de la séance du Jeu de Paume. On l’avait troublé dans la possession de son héritage ; mais on n’a pu l’empêcher de succéder à ses prédécesseurs gaulois ; car il est héritier des temps antérieurs à la monar- u