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la relation d’une audience accordée par Louis XI à un vieillard contre lequel il avait eu plusieurs griefs. Vous y remarquerez sans doute une différence bien notable entre les temps et les personnes, entre les idées et leur expression.




Je viens de faire mon dernier voyage à Montflaux et ma dernière tournée dans mes autres domaines. J’ai fait ce que mon pauvre fils appelait autrefois le grand tour, en allant a petites journées par la Beauce et revenant par le Vexin Normand. J’ai traversé le pays Chartrain, l’Orléanais, le Dunois, le Blaisois, la Touraine et l’Anjou, le Saumurais le Bas-Poitou, la Bretagne et le Maine ; et je me disais tristement : — Suis-je en France ? Voilà bien mes terres et les ruines de mes châteaux ; mais sont-ils restés dans mon pays ? et les gens qui les entourent sont-ils encore des Français ?

Les châteaux sont démolis, les fermes dévastées et les grandes routes abandonnées à l’entretien des communes qui sont écrasées de contributions. On n’aperçoit dans les villes que des figures insolentes ou malveillantes. On ne vous parle que d’un ton brusque, exigeant ou défiant. Tous les visages ont une expression sinistre ; il n’est pas, jusqu’aux enfans ; qui n’aient un air hostile et dépravé. On dirait que la haine est dans tous les cœurs. L’envie n’est pas satisfaite, et la misère est partout. C’était bien la peine de faire une révolution.

L’aspect des villages est effroyable autant par le