Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les plus respectueux que le premier consul désire me voir et qu’il m’attendra le surlendemain à deux heures après midi.

Je restai confondue ! Je répondis que j’étais bien âgée, bien affaiblie, mais toutefois que j’y ferais mon possible ; et puis j’envoyai chercher le Baron de Breteuil en grand’hâte, afin d’avoir son avis sur un pareil guet-apens.

L’avis du Baron fut qu’il ne fallait pas manquer à l’invitation du chef de la république, attendu qu’il restituait les bois confisqués. Il ajouta qu’il avait déjà demandé à voir également Mme de Coislin, qu’il avait fort bien traitée, et la Princesse de Guémenée, qu’il avait appelée Votre Altesse et pour laquele il avait agi plus obligeamment et plus justement encore, en lui restituant sa forêt de Lorient. Il est à savoir que ces dames avaient eu grand soin de garder le secret sur leurs visites au premier consul, et rien n’empêchait de nous conduire avec la même discrétion.

J’avoue que la curiosité finit par me prendre, et, finalement, il fut convenu que j’irais à l’audience du général Buonaparté, mais qu’on n’en parlerait à qui que ce fût, pas même à Mmes de Matignon et de Montmorency.

C’était le 12 novembre, le consulat venait de s’installer dans les Tuileries, et ce pauvre château me parut terriblement dépenaillé. Je m’étais fait apporter en chaise, et je me fis descendre à la porte du dernier salon, comme le Mascarille de la comédie de Molière, ou, si vous l’aimez mieux, comme la Comtesse de Saint-Florentin chez la Reine Marie