laissés dans leur pays. Il est à remarquer qu’ils se sont transmis et qu’ils ont conservé sans aucune altération le caractère niçard, avec toutes ses subtilités et sa gaucherie, ses prétentions au savoir-faire, l’amonr du parlage et celui des manœuvres embrouillées. Mme de Coislin disait toujours qu’aussitôt qu’un Broglie intervient dans une affaire, il en résulte infailliblement des imbroglio qui finiront par un embrouillamini désastreux.
Ce sont les gens du monde les plus difficiles à satisfaire, les plus suffisans, les plus didactiques, les plus outrageusement pédantesques et les plus ennuyeux surtout ! Il est singulier qu’ils n’aient jamais pu prendre le caractère français, et ce qu’il y a d’inexplicable dans cette famille piémontaise, c’est que toutes les femmes et les filles y ont un caractère et des habitudes absolument opposés à celui de leurs parens masculins, qui sont restés de véritables proveneaux-niçards.
Quant aux salons du quartier d’Antin, où les jacobins défroqués et les nouveaux enrichis se donnent des bals qui doivent sentir encore une odeur de carnage et de boucherie, il parait que ce sont des chambres tendues en drap rouge avec des brodures noires, ornées de caryatides et de statues bronzées (sans feuilles de vigne), et garnies de meubles romains en bois d’acajou du plus lourdement sévère et du plus triste dessin. Tout cela n’est éclairé que par des lampes, au lieu de bougies, ce qui peut être fort économique et ce qui doit être fort malsain. Toutes les femmes y sont coiffées à la grecque avec des repentirs et des tire-bouchons qui découlent