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politesse parfaite et de la société la plus sûre ; mais il parait qu’elle a beau faire et qu’elle ne saurait arrêter les avalanches et les torrens de moqueries qui se précipitent continuellement sur le commandant Sébastiani. On prétend qu’elle en gémit, en disant : – Mon Dieu, que je vous remercie de ne pas être moqueuse ! Comment peut-on trouver du plaisir dénigrer… Je vous assure que M. Sébastiani n’est pas si ridicule !… Et puis c’est qu’il est si braâve ! lui répondent les auditeurs, sur lesquels on ne peut rien gagner au profit de ce commandant.

Je n’entends parler depuis deux mois que du commandant Sébastiani, dont je ne saurais me refuser à vous dire encore une histoire. Celle-ci me parait la plus belle, mais ce sera la derniëre, et je vous en réponds, car on n’en finirait pas.

Tandis que Buonaparté faisait la guerre en Italie, son noble et valeureux cousin s’y trouvait dans une bonne maison par billet de logement. Il parait qu’il avait été blessé dans la dernière campagne, ou pour mieux dire, il n’y paraissait pas, mais on n’en fut pas moins ébloui par le récit de tout ce qu’il avait fait d’éclatant, et l’on n’en fut pas moins touché de tout ce qu’il avait dû souffrir par suite de sa blessure. Vous pouvez imaginer quelle était l’émotion de certaines femmes sensibles, lorsqu’il leur faisait voir et palper la balle dont il avait été blessé et qu’il portait continuellement dans la poche de son gilet. C’est une cérémonie qui se renouvelait régulièrement tous les matins dans cette maison où logeait le commandant, et la même cérémonie se reproduisait