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SOUVENIRS

exécutaient les malheureux prisonniers qu’on amenait là l’un après l’autre. On les y faisait monter sous le prétexte de prêter le serment de fidélité à la nation ; mais dès qu’ils étaient au haut, leur tête était coupée et livrée au peuple, et leur corps en tombant sur ceux qui y étaient déjà servaient à élever cette horrible montagne dont l’aspect me parut si effroyable ; lorsque je fus auprès, on voulut aussi m’y faire monter ; mais M. Hardy, qui me donnait le bras, et huit ou dix hommes qui m’entouraient me défendirent ; ils assurèrent que j’avais déjà prêté le serment de fidélité à la nation, et autant par force que par adresse, ils m’arrachèrent des mains de ces furieux et m’entraînèrent hors de leur portée. À quelque distance de là, nous rencontrâmes un fiacre ; on me mit dedans, après en avoir fait descendre la personne qui l’occupait ; M. Hardy y monta avec moi ainsi que quatre des gens qui nous entouraient : deux montèrent derrière ; deux se placèrent auprès du cocher, qu’on força d’aller très vite, et en peu de minutes je me trouvai loin de la prison.

« Dès que je fus en état de parler, ma première parole fut pour m’informer de ma Pauline. M. Hardy me dit qu’elle était en sûreté et que j’allais la rejoindre ; je lui demandai alors des nouvelles de ma compagne de prison, la Princesse de Lamballe ; mais, hélas ! son silence m’annonça qu’elle n’existait plus. Il me dit qu’il aurait bien voulu la sauver, mais qu’il n’avait pu en trouver le moyen.