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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

« Le lendemain à sept heures du matin, ma porte s’ouvrit et je vis entrer Manuel qui me dit : J’ai obtenu de la commune la permission de vous réunir à votre Mère ; suivez-moi.

« Nous descendîmes dans la chambre de ma mère, je me jetai dans ses bras, croyant tous ses malheurs finis puisque je me trouvais auprès d’elle. Elle remercia beaucoup Manuel, et lui demanda d’être réunie à la Princesse de Lamballe, puisque nous avions été transférées avec elle ; il réfléchit un moment, puis il dit : Je le veux bien, je prends cela sur moi, et je vais vous conduire dans sa chambre. Effectivement, à huit heures du matin nous étions réunies toutes les trois, seules, et nous éprouvâmes un moment de bonheur de pouvoir partager ensemble nos infortunes.

« Le lendemain matin nous reçûmes un paquet venant du Temple. C’étaient nos effets que nous renvoyait la Reine. Elle-même, avec cette bonté qui ne se dément point, avait pris soin de les réunir. Parmi eux se trouvait cette robe de Madame Élisabeth dont je vous ai parlé plus haut. Elle devient pour moi un gage d’un éternel souvenir, d’un éternel attachement, et je la conserverai toute ma vie.

« L’incommodité de notre logement, l’horreur de la prison, le chagrin d’être séparées du Roi et de sa famille, la sévérité avec laquelle cette séparation semblait nous promettre d’être traitées, tout cela m’attristait fort, je l’avoue, et effrayait extrêmement cette malheureuse Princesse de