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SOUVENIRS

« À 6 heures du soir, il revint me voir et me trouvant toujours dans le même état de chagrin, il me dit : je vais vous confier un secret. Votre Mère est dans le cabinet au-dessous du vôtre ; ainsi vous n’êtes pas loin d’elle. D’ailleurs, ajouta-t-il, vous allez avoir dans une heure la visite de Manuel, le procureur de la commune, qui viendra s’assurer si tout est dans l’ordre ; n’ayez pas l’air, je vous en prie, de savoir tout ce que je vous dis.

« En effet, quelque temps après, j’entendis tirer les verroux de la chambre voisine, puis ceux de la mienne ; je vis entrer trois hommes dont un que je reconnus très bien pour être Manuel, le même qui avait conduit le Roi au Temple. Il trouva la chambre où j’étais très humide, et parla de m’en faire changer. Je saisis cette occasion de lui dire que tout m’était égal ; que la seule grâce que je sollicitais de lui particulièrement était de me réunir à ma Mère : je le lui demandai avec une grande vivacité ; et je vis que ma demande le touchait ; puis il dit : Demain je dois revenir ici, et nous verrons ; je ne vous oublierai pas. Le pauvre guichetier en fermant la porte me dit à voix basse : Il est touché, je lui ai vu des larmes dans les yeux, ayez courage ; à demain.

« Ce bon François, car c’était le nom de ce guichetier, me donna de l’espoir et me fit un bien que je ne puis exprimer : je me mis à genoux, fis mes prières, et avec un calme et une tranquillité extrême je me jetai toute habillée sur l’horrible grabat qui servait de lit ; je dormis jusqu’au jour.