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nos guichetiers, et sitôt qu’il était question de leur faire attacher les yeux sur les choses que j’aurais voulu leur faire effacer, j’en éprouvais une sorte d’embarras insurmontable. C’était peut-être aussi parce que je n’avais plus rien à leur donner, et du reste, ces gens-là ne prenaient aucunement garde à de pareilles saletés ; et c’était par habitude, apparemment ? À propos des bruits qui m’avaient réveillée, ils me disaient quelquefois tout naturellement et presque innocemment des choses infâmes. Quelle abjection dans l’humanité, et surtout dans cette humanité républicaine !

Je ne me suis jamais endormie à Sainte-Pélagie sans y avoir été réveillée en sursaut. J’y ai vécu de pain noir et d’eau trouble pendant six jours, et j’y ai manqué de linge pendant plus d’un mois. Le fils du premier guichetier m’avait emporté ces mêmes galoches où j’avais fait cacher mon trésor. C’était pour les nettoyer, disait il, et ce fut bien malgré moi. On ne me les a pas restituées et je ne les ai jamais redemandées, bien entendu, car la guillotine aurait été le résultat de la réclamation. Il y avait loin de là, sans doute, à mon grand et beau rez-de-chaussée de l’hôtel de Créquy, s’ouvrant en plein midi sur un jardin magnifique, au milieu d’un parc[1] ;

  1. J’espère que vous conserverez une habitation que j’ai considérablement embellie, et je ne doute pas que vous ne puissiez en accommoder avec les héritiers de M. de Feuquières. Je vous ai toujours recommandé de chercher les moyens d’acquérir le jardin de l’hôtel de Bérulle afin de n’avoir pour limites à l’occident et au méridien que les jardins de l’hôtel