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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

qu’à Dieu[1], mais le démon n’ignore de rien, pour le présent et le passé ; Cagliostro, son adepte, était pleinement convaincu de la puissance et de la vérité de la religion catholique ; il était impie sans être incrédule ; il avait une foi bien établie sur la parfaite connaissance des faits historiques, et c’est là ce que saint Ambroise appelle la foi du diable.

Nous avions été mandés et assignés pour être ouïs dans la prison des Carmes, où l’on prétendait avoir été faite je ne sais quelle conjuration qui devait s’être ramifiée dans un certain nombre de maisons d’arrêt, et notamment dans celle des Oiseaux. On nous fit marcher à la suite d’une procession républicaine en l’honneur de l’Agriculture ; ensuite on nous fit passer le guichet des Carmes, et comme le commissaire de sûreté générale, qui devait nous interroger, n’était pas encore arrivé à huit heures du soir, on prit le parti de nous y garder jusqu’à l’arrivée dudit commissaire, et nous y passâmes tout la nuit assis sur des bancs. Mme  de Valentinois en était dans une colère affreuse, et disait qu’elle ne manquerait pas de dénoncer n pareil fonctionnaire à la Convention nationale.

Quoi qu’il arrive en France, on a toujours grand’peine à n’y pas compter un peu sur la justice du gouvernement. Le mot gouvernement nous représente toujours une certaine idée de protection, d’équité secourable et de bonne volonté qui tient à notre ancienne habitude. J’ai souvent eu l’occasion

  1. Vous ne faites pas telle ou telle action parce que Dieu l’a prévue, mais Dieu l’a prévue parce que vous la feriez.