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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

— Quand vous nous aurez mis à la lanterne, en verrez-vous plus clair ? Il est bien remarquable, en vérité ! qu’à l’exception du Duc d’Orléans et de Mme Dubarry, on n’ait pas entendu citer, pendant la révolution française, une seule personne pour avoir manqué de courage ! Excepté les femmes entretenues et des espèces d’homme comme Philippe-Égalité, tout le monde a montré du courage dans ce pays-ci ! Les volontaires de la république n’ont certainement pas signalé plus de bravoure et de résolution que les prêtres français.

Ce fut aux Oiseaux que nous apprîmes la généreuse et courageuse fin de la Duchesse de Gramont[1] qui, après avoir essayé de parler en faveur de la Duchesse du Châtelet, avait refusé de répondre à ses juges pour son propre comte ; elle se contenta de leur dire que leur justice n’était que le fantôme d’une furie, que leur simulacre de jugement était dérisoire, et qu’elle s’étonnait qu’on daignât proférer devant eux autre chose que ces quatre mots : c’est moi : tuez moi !

Quatre à cinq jours après la mort de Mme de Gramont, Mme de Choiseul entra dans ma chambre et me remit deux papiers qu’elle venait de recevoir de la part de sa belle-sœur, avec prière de me les faire parvenir en témoignage de souvenir et d’amitié. C’étaient deux manuscrits de mon écriture, et la défunte avait demandé qu’on les brûlât, si je ne vivais plus. C’était d’abord un passage de Valère-

  1. Béatrix de Choiseul-Stainville, d’abord chanoinesse de Bouxières, ensuite, mariée en 1764, à Antoine-Charles, Duc de Gramont. Voyez à leur sujet la note, page 161 du tome V.