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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

t-elle. On dirait que cette malheureuse était saisie par une main vengeresse, entraînée dans l’abîme, et poussée dans la destruction ; comme si la providence de Dieu, qu’elle insultait, l’avait abandonnée, pour la dérision des anges, à ces dieux aveugles et sourds qu’elle avait invoqués ! elle attisait des feux souterrains avec une épée : le meurtre entendit l’appel de la fureur ; on répondit à ses provocations et ses invectives en l’envoyant à l’échafaud.

Rien n’est aussi fatigant que la loquacité redondante et les interminables déclamations de Mme  Roland, sur les dangers qui menacent la révolution française et sur l’amour ardent et sacré des institutions républicaines ; sur la corruption de l’esprit démocratique et sur la glorieuse infortune des vingt-deux. Eh ! que nous font à nous le civisme pur et les vertus du citoyen Brissot, le vertueux Vergniaud, le vertueux Gensonné et toutes ces vertus conventionnelles ? Nous avons absolument pour les complices et les antagonistes de Mme  Roland, la même aversion qu’elle avait pour les lapidaires et les pâtissiers : tout ce qu’elle déplore est un sujet de félicitation pour nous : tout ce qu’elle implore est dangereux, coupable ou follement ridicule ! Quand on a lu les manuscrits de cette femme, on est tellement choqué de son outrecuidance et révolté de ses opinions, qu’on est en quelque sorte affligé de rester insensible à ses malheurs.

Je vous ai déjà dit que le vertueux Roland s’était suicidé pour éviter la guillotine ; mais il est bon d’ajouter ici que pour se soustraire à l’échafaud qui les attendait deux mois après, Chamfort se coupa la