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SOUVENIRS

folie : « Je ne vous écris point pour solliciter votre pitié, au-dessus de laquelle je suis, et qui m’offenserait, lui dit-elle ; mais je vous écris pour votre instruction (Songer à l’instruction de Roberspierre, hélas ! quelle ardeur pour la communication des lumières, et quelle obligeance extrême !) Vous assimilez vos partisans les plus dévoués à vos ennemis ; vous confondez dans le même traitement le patriote généreux, la femme honnête et sensible qui s’honore d’avoir une patrie, avec la femme orgueilleuse et légère qui maudit l’égalité. »

Après cette déclaration, bien modeste pour elle assurément, Mme  Roland finit par répéter trois ou quatre refrains de sa gloriole accoutumée, en disant que la plainte ne saurait convenir à sa grande âme ; que la prière est faite pour l’esclave, et que l’histoire et la postérité des républicains seront ses vengeurs !

Aveuglée par un orgueil incomparable et tourmentée par la soif de la domination, agitée par la haine et par l’impiété, cette malheureuse femme avait certainement perdu la raison. On n’a jamais rien vu de plus insensé que son attirail de moralité pédantesque et d’athéisme, sa vanité démagogique avec des tigres, ses dissertations législatives et ses arguties constitutionnelles avec des hyènes, avec des monstres affamés, pareils à ces animaux, l’horreur et l’effroi de l’Orient, spoliateurs infâmes, qui fouillaient le sol de la patrie comme un vaste cimetière et qui violaient jusqu’à l’asile des tombeaux. « Il en adviendra ce qu’il plaît aux Dieux ! » s’écria-